Révérend Christopher Mtikila c. le procureur général, affaire civile n° 5 de 1993 (Haute Cour de Tanzanie) (décision)

Accès à la Justice Debout

À LA HAUTE COUR DE TANZANIE

À DODOMA

AFFAIRE CIVILE NO. 5 DE 1993

(non signalé)

TOUR. CHRISTOPHER MTIKILA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . DEMANDEUR

Contre

LE PROCUREUR GÉNÉRAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DÉFENDEUR

DÉCISION

LUGAKINGIRA, J.

Il s’agissait d’une pétition inhabituelle. Dans son contenu et ses dépendances, il constitue plusieurs pétitions en une seule qui vont des contestations de la validité de diverses lois à la protection de la Constitution et de la légalité. Le pétitionnaire, le révérend Christopher Mtikila, est un militant des droits de l'homme et un militant politique et était représenté par un éminent conseil, M. Ikumimit-Mbarat, assisté de M. Richard Rweyongoza. Le procureur général défendeur était représenté par M. Kipenka Msememba Mussa, procureur principal. Je tiens à les féliciter tous pour l'industrie et le génie dont ils ont fait preuve dans la préparation et la présentation des arguments.

La requête soulevait à l'origine des questions très diverses, dont beaucoup avaient une saveur et une substance politiques, ce qui a incité M. Musasa [sic] à soulever une litanie d'exceptions préliminaires que la Cour a résolues dès les premiers stades de la procédure. Les objectifs étaient fondés sur les questions de locus standi, de cause d'action et de justiciabilité de certaines des questions. En fin de compte, un certain nombre de questions ont été rayées et les problèmes ont ensuite été formulés pour les survivants [sic]. Compte tenu de la nature de la pétition qui a dû être modifiée à plusieurs reprises, il est préférable de paraphraser ces questions plutôt que de simplement les . . . . . . . . . . . . eux.

La première question est d’ordre général et est liée aux deuxième et cinquième questions. Il cherche à établir de manière générale si les droits fondamentaux garantis dans la partie III, chapitre premier de la Constitution de la République-Unie de 1977 sont immuables. L'enquête est motivée par une série d'amendements à la Constitution, notamment la loi sur les huit amendements constitutionnels de 1992 (n° 4). La loi modifie les articles 39, 67 et 77 d'une manière qui semble porter atteinte au droit de participation aux affaires publiques nationales qui est garanti dans la sous-partie (1) de celle-ci. En d’autres termes, le problème posé dans la première question est de savoir si les amendements à la Constitution ont été valablement apportés et, dans le cas contraire, s’ils peuvent être déclarés nuls conformément aux dispositions de l’art. 64(5).

La deuxième question porte sur les dispositions des art. 8, 9, 10 et 15 de la loi sur les partis politiques de 1992 (n° 5), promulguée conformément à l'amendement de l'art. 20. Ces dispositions empêcheraient la formation de partis politiques et porteraient donc atteinte à la liberté d'association. Je suis appelé à les déclarer inconstitutionnelles et nulles. La cinquième question découle de la modification des articles 39, 67 et 77 ainsi que de l'art. 39 de la loi sur les autorités légales (élections), 1979. Ces amendements rendent [sic] impossible pour les candidats indépendants de se présenter aux élections présidentielles, parlementaires ou aux conseils locaux. Je suis à nouveau appelé à remédier à la situation.

Dans la troisième question, la requête s'attaque aux art. 5 (2), 13, 25 et 37 à 47 de la loi sur les journaux de 1976 (n° 3). L'article 5(2) habilite le ministre responsable des questions relatives aux journaux à exclure tout journal de l'application de l'une des dispositions relatives à l'enregistrement des journaux. L'article 13 habilite le ministre à exiger de tout éditeur d'un journal qu'il signe et enregistre une caution au bureau du registraire des journaux. L'article 25 habilite le ministre à ordonner la cessation de la publication de tout journal. Les articles 37 à 47 concernent la diffamation et les sanctions en cas de diffamation. Enfin, la pétition reprend le paragraphe 12 (1) de l'avis gouvernemental n° 166 de 1977 qui habilite le registraire à refuser l'enregistrement d'un journal. Toutes ces dispositions seraient arbitraires, susceptibles d'abus et constitueraient une atteinte à la liberté d'expression garantie par l'art. 10 (1).

Une quatrième question porte sur la liberté de réunion pacifique et d'expression publique et remet en question la constitutionnalité des art. 4, 41, 42 et 43 de l'ordonnance sur les forces de police, Cap. 322, ainsi que l'art. 11 (1) et (2) de la loi sur les partis politiques. Ces dispositions imposent l'obtention d'autorisations pour tenir des réunions ou organiser des cortèges et prévoient également des missions de police à cet égard. Dans la sixième et dernière question, une déclaration est demandée sur la constitutionnalité de la nomination de Zanzibaris à des postes non syndiqués sur le continent.

Dans ma décision sur les questions préliminaires, j'ai réservé à l'examen à ce stade les questions du locus standi, de la cause d'action et de la justiciabilité et je procéderai ainsi avant d'examiner les questions exposées ci-dessus.

Abordant la question du locus standi, sans doute dans le respect de la position orthodoxe de la common law, M. Mussa a soutenu que le requérant devait démontrer un intérêt suffisant pour le résultat. Il considérait que cela était implicite dans l'art. 30 (3) de la Constitution. Selon lui, le pétitionnaire devait démontrer un intérêt personnel plus grand que celui du grand public et il a cité le cas nigérian de Thomas & Ors. c. Olufosoye (1986) LRC (const) 639 à l'appui de son argument. Dans cette affaire, la Cour d'appel a statué qu'en vertu de l'art. 6 (6) (b) de la Constitution nigériane de 1979, il était nécessaire que les appelants démontrent un intérêt suffisant à maintenir l'action et cet intérêt devait être un intérêt personnel dépassant celui du grand public. Ademola, la JCA dit, à la p. 650 :
C'est également le droit, tel qu'énoncé dans l'affaire (Adesanya), que, pour pouvoir invoquer le pouvoir judiciaire, une personne doit démontrer que soit son intérêt personnel sera ou a été immédiatement lésé par l'action, soit qu'elle a soutenu ou est en danger immédiat de subir un préjudice personnel et dont les intérêts sont supérieurs à ceux du grand public.

Sur cette base, M. Mussa a poursuivi en affirmant que le facteur crucial dans la pétition était le pétitionnaire lui-même et non le contenu de la pétition. En outre, il a soutenu que l'art. 26(2) de la Constitution ne confère pas en soi locus standi et semble interpréter la disposition comme si elle n'était pas indépendante en soi.

En réponse, M. Mbezi a fait valoir que la qualité pour agir était certainement conférée au requérant par l'art. 26(2) et que l’intérêt personnel (ou le préjudice) n’avait pas à être divulgué dans ce contexte. Il a soutenu que la prétendue illégalité des lois suffisait à justifier la requête au titre de cette disposition. M. Mbezi a en outre déclaré que le requérant avait acquis la qualité pour agir en vertu de l'art. 30 (3) également et fait référence à la dispersion de sa réunion en vertu des dispositions de l'ordonnance sur les forces de police, au refus d'enregistrer son parti en vertu des dispositions de la loi sur les partis politiques et à l'interdiction des journaux Michapo et Cheka (ses porte-parole présumés). comme démontrant suffisamment l'intérêt du pétitionnaire au regard de l'art. 30 (3). M. Mbezi a en outre soutenu qu'au vu des dispositions de l'art. 64 (5), la Cour pouvait être amenée à agir par n'importe quel requérant.

J’ai dûment pris en considération les arguments contradictoires et je me sens appelé à aborder le sujet de manière assez approfondie. Le statut du justiciable en droit administratif est un facteur crucial et il a pris une dimension supplémentaire en droit constitutionnel à la suite des constitutions écrites. Dans la common law anglaise, le locus standi du justiciable était au service du contrôle judiciaire des actions administratives. Chaque fois qu'un particulier contestait la décision d'un organe administratif, la question se posait toujours de savoir si cet individu avait un intérêt suffisant dans la décision pour justifier l'intervention du tribunal. Ainsi, il est indiqué dans Wade et Phillips, Constitutional Law (1965 : 672) :

En droit administratif, il est nécessaire qu'un plaignant ait un grief particulier qui ne soit pas partagé avec le reste du public.

Le tournant en Angleterre est survenu avec les réformes procédurales en matière de contrôle judiciaire. 31 de la loi sur la Cour suprême de 1983, qui devait conduire, au cours des années 1980, à la reconnaissance de l'existence du droit public comme domaine distinct du droit privé. Dans d’autres parties du Commonwealth, notamment en Inde et au Canada, une évolution similaire mais imperceptible s’est manifestée dans la doctrine des litiges d’intérêt public. Traditionnellement, la common law limite le droit d'intenter une action en justice pour protéger les droits publics au procureur général et cela a été réaffirmé par la Chambre des Lords dans l'affaire Guriet c. Union of Post Office Workers (1978) AC 435, et le pouvoir discrétionnaire du procureur général dans de tels cas les affaires peuvent être exercées à la demande d’un particulier. Mais avant même la promulgation de la loi sur la Cour suprême, une vision libérale de la qualité pour agir prenait déjà forme et une approche généreuse de la question était déjà considérée comme souhaitable. Ceci est illustré par ces paroles de Lord Dipleck dans IRC c. National Federation of Self-Employed and Small Businesses Ltd. (1981) 2 A11 ER 93, 107 :

Ce serait, à mon avis, une grave lacune dans notre système de droit public si un groupe de pression, comme la fédération ou même un contribuable uni-spirituel, était empêché par des règles techniques dépassées de locus standi de porter l'affaire à l'attention du un tribunal [sic] pour défendre l’état de droit et faire cesser les comportements illégaux.

Pourtant, des développements plus contemporains indiquent qu'en Angleterre, les juges commencent à reconnaître l'apparition possible d'apparents « corps occupés » lorsqu'il s'agit de litiges d'intérêt public. Feu Raymond Blackburn, avocat et ancien député, a plaidé plusieurs questions d'intérêt public dans lesquelles il n'avait manifestement pas plus d'intérêt que les autres membres du public. Dans [personnage(s) manquant(s)] c. Metropolitan Police Commissioner, ex parte Blackburn, (1968) 2 QB 118, il a contesté la politique de la police consistant à ne pas appliquer les lois sur les jeux de hasard ou l'obscénité, et dans Blackburn c. Procureur général, (1971) 2 A11 ER 1380, il a contesté la politique du gouvernement en matière d'adhésion à la Communauté européenne.

Les développements au Canada n'ont pas été moins époustouflants et nous y trouvons des règles de qualité pour agir plus généreuses que partout ailleurs dans l'ancien Commonwealth. Cela a été largement facilité par l'existence d'une constitution écrite et l'incorporation d'une charte des droits fondamentaux. Le contribuable est la figure centrale de l'approche canadienne. Dans Thorson c. AG du Canada, ([date illisible]) [numéro illisible] 1 RCS 138, un contribuable a été autorisé par une majorité à contester la constitutionnalité de la Loi sur les langues officielles. Le juge Laskin, parlant au nom de la majorité, a envisagé « . . . . . . . si une question de constitutionnalité devrait être à l’abri du contrôle judiciaire en refusant à quiconque le droit de contester la loi contestée. Il a été observé que la qualité pour agir dans des affaires constitutionnelles relevait de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge. Dans l'affaire Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, (197[chiffre illisible]) [chiffre illisible] SRC 265, la Cour suprême a de nouveau accordé à un contribuable la qualité pour contester la validité d'une loi provinciale réglementant les spectacles de cinéma et de théâtre. Cette position est également illustrée dans l'arrêt Ministre de la Justice c. Dorowaki (1981) 2 RCS [illisible], où la majorité a accordé la qualité pour agir à un contribuable contestant une loi fédérale autorisant l'avortement et a statué :

. . . . . . . pour établir le statut de demandeur dans une action visant à faire déclarer la législation invalide, s'il existe une question grave d'invalidité, il suffit à une personne de démontrer qu'elle en est directement affectée ou qu'elle a un véritable intérêt en tant que citoyen dans la validité de la loi et qu'il n'y en a pas d'autre et qu'il n'y a pas d'autre moyen efficace par lequel la question peut être portée devant la Cour.

La Cour suprême du Canada a en fait étendu l’effet libéralisant de ces jugements au-delà des affaires constitutionnelles.

Enfin, il est important de revenir sur la position nigériane. Ce qui a été dit dans l'arrêt Thomas n'était pas simplement l'expression de l'apparente rigidité du par. 6 (6) (b) de la Constitution nigériane de 1979, mais c'était aussi un produit de l'héritage colonial. Peu après l'accession à l'indépendance, les tribunaux nigérians ont dû déterminer quand et dans quelles circonstances un justiciable aurait qualité pour contester la constitutionnalité d'une loi ou demander un contrôle judiciaire. Dans Olawayin c. AG of Northern Nigeria (1961) A11 NLR 269, le plaignant avait contesté la constitutionnalité d'une loi interdisant aux enfants de s'engager dans des activités politiques. Le tribunal de première instance a rejeté la demande au motif qu'aucun droit du demandeur n'avait été violé et qu'il serait contraire aux principes publics de faire la déclaration demandée dans le vide. Il a interjeté appel devant le Tribunal fédéral, qui a rejeté son recours pour le même motif d'absence d'intérêt suffisant. Dans une reformulation classique de l'approche orthodoxe de la common law, Unsworth, FJ dit, à la p. 274 :

Rien n'a laissé entendre que l'appelant courait un danger imminent d'avoir des démêlés avec la loi ou qu'il y ait eu une ingérence réelle ou directe dans ses affaires normales ou dans d'autres activités. . . l'appelant [devait] démontrer qu'il avait un intérêt suffisant pour soutenir une réclamation. . . considérer qu'il y avait ici un intérêt reviendrait à dire qu'un particulier obtient un intérêt par la simple promulgation d'une loi qui pourrait à l'avenir entrer en conflit.

Curieusement, les tribunaux nigérians sont restés coincés dans cette position même lorsque la Constitution de 1979 suggérait une issue avec la clause :

Toute personne qui allègue que l'une des dispositions du présent chapitre a été, est ou est susceptible d'être contrevenue dans un État à son égard peut s'adresser à une Haute Cour de cet État pour obtenir réparation.

Cela est illustré dans la décision très critiquée Adesanya c. Président du Nigeria et Anor. (1981) 1 A11 NLRI Dans cette affaire, le requérant avait intenté une action contestant la nomination par le président du deuxième défendeur à la présidence de la Commission électorale fédérale. Ce dernier était à l'époque juge en chef de l'État de Dendel et n'a donc pas pu être nommé membre de la Commission. Lorsque l'affaire a été définitivement tranchée devant la Cour suprême, celle-ci a statué à l'unanimité que l'appelant n'avait pas qualité pour agir pour intenter l'action au motif qu'il n'avait pas démontré la nomination et la confirmation ultérieure par le Sénat du deuxième défendeur. d'une manière ou d'une autre, porté atteinte à ses droits et obligations civils. Il convient toutefois de noter que Fatayi-Williams, CJN, qui a rendu l’arrêt de principe, a fait ces remarques intéressantes (à la p. 20) :

Je suis pleinement conscient du fait que le Nigeria est un pays en développement doté d’une société multiethnique et d’une Constitution fédérale écrite, où les rumeurs sont le passe-temps des marchés et des chantiers de construction. Refuser à tout membre d'une telle société qui est conscient ou croit, ou est amené à croire, qu'il y a eu une infraction à l'une des dispositions de notre Constitution, ou qu'une loi adoptée par l'un de nos [nos ? the?] Les chambres législatives, qu'elles soient fédérales ou étatiques, sont inconstitutionnelles, l'accès à un tribunal pour exprimer ses griefs sur la fragile excuse du manque d'intérêt suffisant est une recette toute prête pour un désenchantement organisé à l'égard du processus judiciaire.

Il y a eu une réaction défavorable de la part du public et de la profession à la décision Adesanya et l'ambivalence du juge en chef dans le passage ci-dessus a fourni davantage de munitions. Désormais, de nombreux tribunaux nigérians préférèrent utiliser la partie large et libérale du jugement du juge en chef. Par conséquent, dans l'affaire Chief Isagba c. Alege (1981) 2 NCLR 424, Omerun [?], le juge a accordé la qualité pour agir à un plaignant en estimant que tout contribuable nigérian avait un intérêt suffisant dans le respect des dispositions de la Constitution par tout organe de l'État. L'État ou l'agence. Et dans AG of Dendel State c. AG of Nigeria) ([illisible]) 3 NCLRI, 88, Obaseki, JSC, qui était partie à la décision dans Odesany, est venu dire :

La constitution a ouvert les portes des tribunaux par ses dispositions et il ne peut y avoir aucune raison justifiable de fermer les portes à ceux qui ne veulent pas être gouvernés par une loi promulguée NON conformément aux dispositions de la constitution.

Le changement au Nigéria a été scellé dans l'affaire Adediran c. Interland Transport Ltd. (1991) 9 NWLR 155, où Karibi- Whyte, JSC a déclaré :

. . . . la restriction imposée en common law au droit d'action. . . est incompatible avec les dispositions de l’art. 6(6)b) de la Constitution de 1979 et, à mon avis, la haute politique constitutionnelle impliquée dans l'art. 6(6)b) vise à éliminer les obstacles érigés par les exigences de la common law aux personnes qui intentent des actions devant les tribunaux contre le gouvernement et ses institutions. . .

Il était nécessaire de traiter le sujet aussi longuement afin de démontrer que l'appréciation du locus standi de M. Mussa dans le contexte d'un litige constitutionnel n'est plus valable. La notion d'intérêt personnel, de préjudice corporel ou d'intérêt suffisant au-delà de l'intérêt du grand public relève davantage du droit privé que du droit public. Dans les affaires de litige d'intérêt public, cette Cour ne refusera pas la qualité pour agir à un plaideur véritable et de bonne foi, même s'il n'a aucun intérêt personnel dans l'affaire. Cette position est également conforme à la décision Benazir Bhutto c. Fédération du Pakistan, PLD 1988 SC 46, dans laquelle la Cour suprême a statué que la règle traditionnelle du locus standi peut être supprimée et que la procédure disponible dans les litiges d'intérêt public peut être mise en place. utilisation de si la requête est présentée au tribunal par une personne agissant de bonne foi.

On ne saurait trop insister sur la pertinence des litiges d’intérêt public en Tanzanie. Compte tenu de nos conditions socio-économiques, cette évolution promet plus d’espoir à notre peuple que toute autre stratégie actuellement en place. Tout d’abord, l’analphabétisme est toujours endémique. On nous a récemment dit que la Tanzanie était le deuxième pays d'Afrique en matière d'élimination de l'analphabétisme, mais il s'agit là d'une jonglerie statistique qui ne se reflète pas sur le terrain. Si nous étions aussi alphabétisés, il n'aurait pas été nécessaire que le conseil du district de Hanang adopte des règlements sur l'éducation obligatoire des adultes qui ont été récemment publiés sous la forme de l'Avis gouvernemental n° 191 de 1994. En raison de cet analphabétisme, une plus grande partie de la population ignore leurs droits, sans parler de la manière dont ils peuvent être réalisés. Deuxièmement, les Tanzaniens sont extrêmement pauvres. Notre classement mondial sur la base du revenu par habitant a toujours été une source d'embarras. Les litiges d’intérêt public sont un mécanisme sophistiqué qui nécessite un traitement professionnel. En raison de ressources limitées, la grande majorité de notre peuple ne peut pas se permettre d'engager un avocat, même s'il est conscient de la violation de ses droits et de la perversion de la Constitution. D’autres facteurs pourraient être évoqués, mais le plus douloureux de tous est peut-être qu’au fil des années depuis l’indépendance, les Tanzaniens ont développé une culture d’apathie et de silence. Ceci est, dans une large mesure, le produit d’une politique monopartite institutionnalisée qui, dans sa dimension répressive, comme la détention sans procès, a renforcé l’initiative et le courage. Les gens se contentaient d’être des récepteurs sans être des chercheurs. Nos dirigeants le reconnaissent très bien et, avec l’émergence de la transparence dans la gouvernance, ils n’ont pas hésité à l’affirmer. Lorsque l'Assemblée nationale débattait de l'hon. La motion privée de JS Warioba sur l'opportunité d'un référendum avant que certains aspects de la Constitution ne soient altérés, l'hon. Sukwa Said Sukwa, après deux interruptions de ses collègues, a poursuivi et déclaré (Débats parlementaires, 26.8.94) :

Mheshimiwa Spika, nilisema kwamba tatizo la nchi yetu sio wananchi. Lazima tukubali hili kwa kweli, tatizo ni sisi viongozi. Kama sisi viongozi tutakubaliana, wananchi hawana matatizo. Mimi nina bakika Mheshimiwa Spika. Kama viongo [illisible] Tanzanie wote, wa pande zote mbili wa Zanzibar na wa Tanzanie Bara, tutakubali kusema kosho Serikali moja, basi itakuwa kesho, na wananchi watafanya maandamano kuunga mkono. Maana wananchi wetu hawana tatizo. Kwa nini tunawapolekea hili tatizo ? Nasema tatizo ni sis viongozi.

Compte tenu de toutes ces circonstances et d'autres, si un individu soucieux du civisme surgit et demande l'intervention de la Cour contre une législation ou des actions qui pervertissent la Constitution, la Cour, en tant que gardienne et dépositaire de la Constitution et de ce qu'elle représente, est dans l'obligation de se montrer à la hauteur et de lui accorder la qualité pour agir. Le pétitionnaire actuel est l’un de ces individus.

Ces principes trouvent leur expression dans notre Constitution. Il ressort du schéma de la partie III, chapitre premier de la Constitution, que chaque personne en Tanzanie est investie d'une double capacité : la capacité en tant qu'individu et la capacité en tant que membre de la communauté. Dans son ancienne qualité, il jouit de tous les droits fondamentaux énoncés à l'art. 12 à l'article 25 ; à ce dernier titre, il est tenu d'accomplir les devoirs envers la communauté comme indiqué à l'art. 25 à l'art. 28. Ce schéma reflète la tendance moderne du constitutionnalisme qui reconnaît la prééminence de la communauté dans la formulation de la constitution. Il est reconnu que les droits sont corrélatifs aux fonctions : nous les possédons pour pouvoir apporter notre contribution à la fin sociale. Notre Constitution va plus loin en mettant l’accent sur les deux capacités en conférant à l’individu un double pouvoir pour intenter une action. Il est en premier lieu investi de la qualité de l'art. 30 (3) qui stipule :

(3) Lorsqu'une personne allègue qu'une disposition de la présente partie du présent chapitre ou une loi impliquant un droit ou un devoir fondamental a été, est ou est susceptible d'être enfreinte à son égard dans n'importe quelle partie de la République-Unie, elle peut , sans préjudice de toute autre action ou recours légalement à sa disposition pour la même affaire, engager une procédure de réparation devant la Haute Cour.

Cette disposition, à mon avis, couvre à la fois les litiges d’intérêt personnel et public, car les deux peuvent parfois s’avérer indissociables. Une personne qui intente une action en justice parce qu'elle désire être un candidat parlementaire indépendant là où le système ne le permet pas assume nécessairement le fardeau du public. Il est également important de noter qu’en vertu de cette disposition, l’action est intentée lorsque le droit d’une personne « a été, est ou est susceptible d’être violé ». Ce sont des mots clairs et clairs qui ne prêtent à aucune controverse. La Constitution permet donc d'agir même lorsqu'une violation d'un droit fondamental est raisonnablement appréhendée. Le cas de Thomas, et dans la mesure où il a été décidé par déférence pour la décision très critiquée de l’affaire Adesanya, n’a aucune pertinence dans le contexte de la Constitution. En fin de compte, il n'est pas exact de dire, comme l'a suggéré M. Mussa, que le pétitionnaire n'a pas qualité pour agir parce qu'il ne peut pas démontrer que ses droits ont déjà été violés. À mon avis, il relève de l'art. 30 (3) existe-t-il une loi dont l'application est susceptible de contrevenir à ses droits fondamentaux.

La qualité pour agir est en outre conférée par l'art. 26 (2), et celui-ci stipule :

(2) Toute personne a le droit, dans le cadre de la procédure prévue par la loi, d'intenter une action en faveur de la protection de la Constitution et de la légalité.

M. Mussa a suggéré que cette disposition doit être lue avec l'art. 30 (3) et ne peut être utilisé à la place de ce dernier. Avec respect, je ne peux pas être d’accord. Il s'agit d'une règle cardinale d'interprétation législative et constitutionnelle selon laquelle chaque disposition est indépendante de l'autre et a une fonction spéciale [?] à remplir, à moins qu'une intention contraire n'apparaisse. Il n'y a rien dans l'Art. 26 (2) ou ailleurs pour le relier à l'art. 30 (3). Le seul lien est celui de l'art. 30 (4) et il s’agit ici d’une question de procédure plutôt que de fond. L'article (4) habilite le Parlement à prévoir la procédure relative à l'introduction d'une procédure en vertu de l'article. Ce n’est pas encore le cas, mais cela ne veut pas dire que le tribunal est paralysé. Dans l’affaire DPP c. Daudi Pete [?], appel pénal n° 28 de 1990 (non publié), la Cour d’appel a déclaré ce qui suit : « . . . . jusqu'à ce que le Parlement légifère en vertu du paragraphe (4), l'application des droits, libertés et devoirs fondamentaux peut être affectée selon la procédure et la pratique disponibles à la Haute Cour dans l'exercice de sa compétence d'origine, en fonction de la nature de l'affaire. réparation recherchée. » Je suis titulaire de l'Art. 26 (2) comme une source indépendante et supplémentaire de qualité pour agir qui peut être invoquée par un justiciable en fonction de la nature de sa réclamation. En vertu de cette disposition également, et compte tenu de son objectif — la protection de la Constitution et de la légalité —, une procédure peut être intentée pour contester soit la validité d'une loi qui semble incompatible avec la Constitution, soit avec la loi du pays. L'intérêt personnel n'est pas un élément de cette disposition ; il est adapté à la communauté et porte le sous-titre « Devoirs envers la société ». Il me semble donc que l'art. 26 (2) consacre dans notre Constitution la doctrine des litiges d’intérêt public. Ce n’est donc ni par logique ni par précédent étranger que nous devons recourir à cette doctrine ; cela figure déjà dans notre propre Constitution.

Je m'empresse toutefois de souligner que la qualité pour agir sera accordée sur la base d'un litige d'intérêt public lorsque la requête est de bonne foi et [évidemment ?] pour le bien public et lorsque la Cour peut fournir un recours efficace. Ce point est souligné dans l’affaire People Union of Democratic Rights c. Ministre de l’Intérieur, AIR 1985 Do hi 268, où il est déclaré que « litige d’intérêt public » ne signifiait rien de plus que ce qu’il disait, à savoir qu’il s’agissait d’un litige dans l’intérêt public. du public. Il ne s’agit pas d’un type de litige destiné à satisfaire la curiosité du peuple, mais d’un litige intenté dans le but que le tribunal soit en mesure de donner une réparation efficace à l’ensemble ou à une partie de la société. Il est souligné dans cette affaire que la condition qui doit être remplie avant qu'un litige d'intérêt public soit entendu par le tribunal est que le tribunal soit en mesure d'accorder une réparation effective et complète. Si aucune réparation effective ou complète ne peut être accordée, le tribunal ne devrait pas connaître de litige d'intérêt public. J'ai sérieusement examiné les questions soulevées dans cette pétition et les prières qui y sont liées et j'ai été persuadé que dans un certain nombre de domaines, l'intérêt public l'emportait sur ce qui semblait être un facteur privé. J’ai donc permis que les arguments se poursuivent sur les questions examinées ci-dessus. Mais à la lumière de ces arguments et de ce qui est indiqué dans ce paragraphe, il sera peut-être nécessaire de réexaminer ultérieurement la position d'une question au stade approprié. En attendant, je vais régler la question de la cause d'action.

La cause d’action n’est pas un problème dans cette pétition. M. Mussa a semblé suggérer, mais je ne suis respectueusement pas d'accord, que pour qu'une cause d'action puisse survenir, un événement préjudiciable aux droits du requérant doit avoir eu lieu. À mon avis, lorsqu’il s’agit de savoir si une loi est inconstitutionnelle, le tribunal examine la loi elle-même, mais pas son fonctionnement. Le passage suivant de Chitaley [ao], The Constitution of India (1970 : 686), citant Prahalad Je v. State, 1990 Orissa 157, est pertinent :

Afin de déterminer si une loi particulière est contraire ou incompatible avec les droits fondamentaux, ce sont les dispositions de la loi qui doivent être examinées et non la manière dont le pouvoir conféré par cette disposition est effectivement exercé. L'incompatibilité ou la répugnance ne dépend pas de l'exercice du pouvoir en vertu des dispositions de la Loi, mais de la nature des dispositions elles-mêmes.

Je suis d'accord et je ne souhaite rien ajouter de plus. Dans cette pétition, le différend porte sur la validité de diverses lois et ceci, à mon avis, constitue la cause d'action nécessaire. Il pourrait certainement se produire une situation dans laquelle la cause d’une action dépendrait de l’exercice effectif du pouvoir. Une telle situation est illustrée dans cette pétition où la constitutionnalité de la nomination de Zanzibariens à des postes non syndiqués sur le continent est remise en question. Dans ce contexte, ce sont les nominations elles-mêmes qui constituent la cause d'action, mais cela concerne la validité de l'action plutôt qu'une loi. Reste maintenant la question de la justiciabilité des réclamations, mais comme elle a davantage à voir avec la première des questions, je ne les examinerai pas.

La première question vise à déterminer l’immuabilité des droits fondamentaux consacrés dans la Constitution. Cela dépend du pouvoir du Parlement de modifier les dispositions prévoyant ces droits. Concrètement, ce qui est en cause, ce sont les modifications de l'art. 20 et art. 39 de la Constitution et la loi sur le huitième amendement constitutionnel de 1992. Dans sa forme originale, l'art. 20 se lit comme suit :

20. (1) Sous réserve des lois du pays, toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique, d'association et d'expression publique, c'est-à-dire le droit de se réunir librement et pacifiquement, de s'associer avec d'autres personnes et, notamment , de former ou d'appartenir à des organisations ou associations créées dans le but de protéger ou de promouvoir ses intérêts ou tout autre intérêt.

(2) Sous réserve des lois pertinentes du pays, personne ne peut être obligé d’appartenir à une association.

Dans sa forme modifiée, le paragraphe (1) reste inchangé, les droits et libertés qui y sont énoncés restent donc les mêmes. Notre intérêt pour cette pétition se concentre sur la liberté d'association qui, dans le système multipartite actuel, inclut la formation de partis politiques. Le paragraphe (2) n'a pas non plus été touché par l'amendement, sauf qu'il est désormais devenu le paragraphe (4). Entre les deux se trouvent les nouveaux paragraphes (2) et (3) qu'il est nécessaire de reprendre dans leur intégralité. (La traduction du kiswahili est en partie la mienne et en partie adaptée).

(2) Sans préjudice du paragraphe (1), aucun parti politique ne peut être enregistré si, en vertu de sa constitution et de sa politique :

(a) il vise à défendre ou à promouvoir les intérêts de :
(i) toute croyance religieuse d'un groupe [sic] ;
(ii) tout groupe tribal, ethnique ou racial ;
(iii) seulement une zone spécifique dans n’importe quelle partie de la République-Unie ;

(b) il prône l’éclatement de l’Union constituant la République-Unie :

(c) il accepte ou préconise le recours à la force ou à la violence comme moyen d'atteindre ses objectifs politiques ;

(d) il prône ou vise à exercer ses activités politiques exclusivement dans une partie de la République-Unie ; ou

(e) il ne permet pas d’élections périodiques et démocratiques de ses dirigeants.

(3) Le Parlement peut promulguer une législation prescrivant les conditions qui garantiront le respect par les partis politiques des dispositions du paragraphe (2) en ce qui concerne la liberté populaire et le droit d'association et de réunion.

Conformément au paragraphe (3), le Parlement a adopté la loi sur les partis politiques de [92] prévoyant l'enregistrement des partis politiques et d'autres questions. Le paragraphe (2) ci-dessus a été abrogé dans son intégralité et rétabli sous le nom d’art. 9 (2) de la Loi. De plus. L'article 8 de la Loi prévoyait un enregistrement en deux étapes : un enregistrement provisoire et un enregistrement complet. L'immatriculation provisoire se fait dès que les conditions prescrites à l'art. 9 ; l'enregistrement complet est effectué après que les conditions de l'art. 10 qui dit :

10 — Aucun parti politique ne peut être pleinement enregistré à moins que :

a) il a été provisoirement enregistré ;

(b) il a obtenu au moins deux cents membres qualifiés pour être inscrits sur les listes électorales aux fins des élections parlementaires dans chacune des dix régions au moins de la République-Unie, parmi lesquelles au moins deux régions se trouvent en Tanzanie, Zanzibar étant une région de Zanzibar et de [Pe_ts_] et

(c) il a soumis les noms de la direction nationale du parti et cette direction rassemble ses membres à la fois en Tanzanie-Zanzibar et en Tanzanie continentale ;

(d) il a soumis au registraire l'emplacement de son siège social en République-Unie et une adresse postale à laquelle les communications peuvent être envoyées.

Le requérant prétend que les art. Les articles 8, 9 et 10 de la loi sur les partis politiques régissent les conditions de formation des partis politiques et entravent ainsi la jouissance de la liberté d'expression prévue à l'art. 20(1). On soutient en outre que l'art. 20(2) et [les articles dérivent-ils ? sont pour le] donc à l'art. 20(2) et (3), art. 8, 9, 10 et 13 de la loi sur les partis politiques.

En revanche, l'art. 39 prévoyait précédemment ce qui suit :

39. Nul ne peut être élu au poste de Président de la République-Unie à moins :

a) a atteint l'âge de quarante ans ; et

(b) est éligible à l'élection en tant que membre de l'Assemblée nationale ou de la Chambre des représentants (de Zanzibar).

Tels qu'amendés par la loi sur le huitième amendement constitutionnel, les paragraphes [ci-dessus] sont maintenus mais [numérotés] (b) et (a) . De nouveaux paragraphes (a) et (d) ont été ajoutés qui indiquent (ma traduction) ;

(a) est citoyen de la République-Unie de naissance ;

(d) est membre et parrainé par un parti politique.

L'exigence d'appartenance et de parrainage d'un parti politique est étendue à la candidature à l'Assemblée nationale à l'art. 67 et art. 77 ainsi que pour les conseils locaux à l'art. 39 de la loi sur les autorités locales (élections). 1979 telle que modifiée par la Loi sur les autorités locales (élections) (amendement), 1992 (n° 7), art. 9. Le pétitionnaire affirme que l'exigence d'adhésion et de parrainage à un parti politique restreint le droit de participer aux affaires publiques nationales accordé par l'art. 21(1) qui stipule : —

(1) Tout citoyen de la République-Unie a le droit de participer au gouvernement du pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, conformément à la procédure prévue par ou en vertu de la loi.

Je suis donc appelé à supprimer le paragraphe (d) de l’art. 39 et partout où l'adhésion et le parrainage d'un parti politique sont requis.

Comme indiqué précédemment, la question de l'immuabilité dépend du pouvoir du Parlement de modifier la Constitution. En évaluant ce pouvoir, il convient de rappeler, en premier lieu, que les droits fondamentaux ne sont pas des cadeaux de l'État. Ils sont inhérents à l'homme du fait de sa naissance et sont donc antérieurs à l'État et à la loi. À notre époque, une méthode pour juger du caractère d’un gouvernement consiste à examiner dans quelle mesure il reconnaît et protège les droits de l’homme. La raison d’être de tout gouvernement est sa capacité à assurer le bien-être des gouvernés. Sa prétention à l’allégeance des gouvernés dépend [sic ?] de ce que cette allégeance doit servir. L'allégeance doit être corrélative aux droits. Les constitutions modernes comme la nôtre ont consacré les droits fondamentaux dans leurs dispositions. Cela ne veut pas dire que les droits sont ainsi créés ; il s'agit plutôt d'une preuve de leur reconnaissance et de l'intention qu'ils soient exécutoires devant un tribunal. On peut donc affirmer que la décision même de traduire les droits fondamentaux dans un code écrit constitue en soi une restriction au pouvoir du Parlement d’agir arbitrairement. Comme l'a justement observé le juge en chef Nasim Hassan Shah dans l'affaire Muhammad Nawaz Sharif c. Président du Pakistan, PLD 1993 SC 473, 557,

Les droits fondamentaux sont essentiellement des restrictions à l'exercice arbitraire du pouvoir par l'État en relation avec toute activité qu'un individu peut entreprendre. Même si les garanties constitutionnelles sont souvent formulées dans une terminologie permissive, elles imposent essentiellement des limites au pouvoir de l'État de restreindre de telles activités. De plus, les droits fondamentaux des individus qui sont actuellement formellement incorporés dans les documents constitutionnels modernes tirent leur lignée de l'ancienne loi naturelle et y sont traçables.

Notre Constitution confère au Parlement des pouvoirs d'amendement très étendus, mais ces pouvoirs ne sont en aucun cas illimités. Ces pouvoirs se trouvent à l'art. 93(1) et (2) et il est nécessaire d’en exposer les parties pertinentes.

98 — (1) Le Parlement peut promulguer une législation modifiant toute disposition de la présente Constitution. . . (c'est nous qui soulignons)

(2) Aux fins de l'interprétation des dispositions du paragraphe (1), les références à l'altération de toute disposition de la présente Constitution ou de toute loi incluent les références à l'amendement ou à la modification de ces dispositions, à la suspension ou à l'abrogation et au remplacement de la dispositions ou la réédiction ou la modification de l’application de ces dispositions.

Ces pouvoirs sont évidemment étendus. Il faut en premier lieu admettre que le Parlement a le pouvoir de modifier même les dispositions garantissant les droits humains fondamentaux. Deuxièmement, ce pouvoir ne se limite pas à une petite sphère. Elle s'étend à la modification de ces dispositions, à leur suspension ou à leur abrogation et à leur remplacement, à leur réédiction ou à leur modification dans leur application. Aussi drastiques que puissent paraître certains de ces termes, je ne crois toujours pas qu'ils autorisent l'abrogation de la Constitution de ces droits. Les dispositions de l'art. 98 doit être lu à la lumière des clauses de récupération [?] de l’art. 30(2) et 31. Le premier se lit comme suit : —

(2) Il est déclaré par la présente qu'aucune disposition contenue dans cette partie de la Constitution, qui stipule les droits, libertés et devoirs fondamentaux de l'homme, ne sera [sic] interprétée comme invalidant une loi existante ou interdisant la promulgation d'une loi ou de la l'accomplissement de tout acte licite en vertu de cette loi, prévoyant :
(a) veiller à ce que les droits et libertés d'autrui ou l'intérêt public ne soient pas lésés par une utilisation abusive des droits et libertés individuels ;

b) assurer les intérêts de la défense, de la sécurité publique, de l'ordre public, de la moralité publique, de la santé publique, de la planification du développement rural et urbain, de la planification du développement, de la mise en valeur et de l'utilisation des ressources minérales ou de la mise en valeur ou de l'utilisation de toute autre propriété de cette manière quant à l'intérêt public ;

(c) assurer l'exécution du jugement ou de l'ordonnance d'un tribunal rendu ou rendu dans le cadre de toute procédure civile ou pénale ;

(d) la protection de la réputation, des droits et libertés d'autrui ou de la vie privée des personnes impliquées dans toute procédure judiciaire, en interdisant la divulgation d'informations confidentielles, ou la sauvegarde de la dignité, de l'autorité et de l'indépendance des tribunaux ;

(e) imposer des restrictions, une surveillance et un contrôle sur la création, la gestion et le fonctionnement des entreprises et des sociétés privées dans le pays ; ou

(f) permettre toute autre chose qui favorise, améliore ou protège l'intérêt national en général.

Art. 31, en revanche, habilite le Parlement, nonobstant les dispositions de l'art. 30(2), pour légiférer en faveur de mesures s'écartant des dispositions de l'art. 14 (Droit à la vie) et Art. 15 (Droit à la liberté personnelle) pendant les périodes d'urgence ou en temps ordinaire en ce qui concerne les individus soupçonnés de se comporter d'une manière qui compromet la sécurité nationale. On peut se référer à l'art. 97(1) qui prévoit en partie :

(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente Constitution, le pouvoir législatif du Parlement est exercé par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale. . .

En lisant toutes ces dispositions ensemble, il me semble que le pouvoir du Parlement en matière de modification des dispositions de la partie III du chapitre premier de la Constitution ne peut être exercé que dans les limites de l'art. 30(2) et art. 31. Par conséquent, même s’il s’agit d’une suspension, ou d’une abrogation et d’un remplacement, elle doit être justifiable dans le cadre des deux dispositions. J'en suis donc arrivé à la conclusion, et M. Mussa le concède, que le pouvoir d'amendement du Parlement n'est pas illimité. Il convient en revanche de reconnaître que la société ne peut jamais être statique. Les temps nouveaux apportent avec eux de nouveaux besoins et aspirations. La perception que la société a des droits humains fondamentaux est donc vouée à changer en fonction de l'évolution des circonstances, ce qui rend impératif que le Parlement ait le pouvoir de modifier chaque disposition de la Constitution. Ce qui reste donc immuable, c'est l'éthique des droits de l'homme, mais non la lettre par laquelle ils s'expriment.

Nous examinons maintenant si les modifications contestées ne respectaient pas les limites constitutionnelles, à commencer par l'art. 20 (2) et (3). Le premier n’abroge ni ne restreint la portée de l’art. (2) le droit d'association garanti par l'art. 22 (3). Il énonce simplement les conditions qu'un parti politique doit remplir avant son enregistrement et toutes ces conditions s'inscrivent dans les paramètres de la loi. [sic] 30(2). Les conditions visent clairement à promouvoir et à renforcer la sécurité publique, l’ordre public et la cohésion nationale. Il ne peut y avoir de liberté absolue ou incontrôlée, de totale liberté [sic] de contrainte, car cela conduirait à l'anarchie et au désordre. En effet, dans un pays jeune comme le nôtre, rien ne pourrait être plus suicidaire que d’autoriser des entreprises fondées sur la tribu, la race ou la religion. Le problème de l'art. (3) est encore moins apparent. Il s'agit d'une disposition habilitante donnant au Parlement le pouvoir de promulguer une loi pour l'enregistrement des partis politiques et pour garantir le respect de l'art. 20(2) par ces parties. Il ne dit pas expressément au Parlement ce qu'il doit écrire dans cette loi. Je suis convaincu et considère que l'art. 20(2) et (3) étaient valablement . . . . . . Il reste cependant les dispositions des partis politiques qui méritent d'être commentées sous la deuxième question. Vient ensuite l’art. 39 et articles et dispositions connexes relatifs aux candidats à la présidence, au Parlement et aux conseils locaux. Encore une fois, je suis malheureux. . . . . . dire que ces amendements relevaient des pouvoirs du Parlement. Ils n'abrogent pas mais modifient simplement l'application de l'art. 21(1) en prévoyant que la participation aux affaires publiques nationales doit se faire par voie politique en vertu de l'art. 98(2). Je pense également que les modifications entrent dans le champ d'application de l'art. 7(2) si l'on considère que l'ordre public en a fourni l'inspiration. Ces modifications ont donc été valablement apportées. Il faut cependant comprendre que je parle à ce stade de validité en termes strictement juridiques ; les amendements ne sont par ailleurs pas exempts de difficultés et sont traités sous le cinquième point.

Le pouvoir du tribunal de déclarer une loi nulle est fondé sur l'art. 64(5). Ayant conclu que les modifications constitutionnelles contestées ont été valablement apportées, je n’ai pas à examiner si ces modifications constituent une « loi » au sens de l’article. J'ai lu à cet égard les arguments intéressants dans les affaires Golaknath c. État du Pendjab (1967) 2 RCS 762 et Kesav anda c. État du Keral (1973) Supp. SCR1, mais au vu de la décision à laquelle j'ai pris, je ne peux pas en profiter.

La deuxième question remet en question la constitutionnalité des art. 8, 9, 10 et 15 de la loi sur les partis politiques. Beaucoup d'efforts avaient été déployés dans cette affaire lorsque j'ai été obligé d'admettre que le procès sur cette question aurait dû être suspendu. L'année dernière, le requérant a déposé au greffe de Dar es Salaam de cette Cour une demande d'ordonnances de certiorari et de mandamus. Il s'agissait de la cause civile diverse n° 67 de 1993, les requérants étant lui-même et le Parti démocrate et les défendeurs étant le procureur général et le registraire des partis politiques. Les motifs de la demande étaient que le registraire avait fait preuve de partialité en refusant d'enregistrer le Parti démocrate et que la loi sur les partis politiques (apparemment dans son intégralité) était inconstitutionnelle et nulle. Il priait pour obtenir l'ordre d'annuler la décision du greffier et de lui ordonner de reconsidérer la demande du Parti démocrate conformément à la loi. La requête a été entendue puis rejetée par le juge Maina le 14 décembre 1993. Deux jours plus tard, le requérant a interjeté appel. Un appel civil n° 24 de 1994 est actuellement pendant devant la Cour d'appel, dont le premier moyen d'appel est le suivant :

Le savant juge a commis une erreur de droit en omettant de conclure que les articles 8 et 10 de la loi sur les partis politiques de 1992, ainsi que la loi n° 5 de 1992, violaient l'article 13 (6)(a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et donc nulles et non avenues au motif qu'elles ne prévoient pas un procès équitable devant le deuxième défendeur pour refuser l'enregistrement complet d'un parti politique.

Le mémorandum conclut : —

Il est proposé de demander à la Cour les ordonnances suivantes :

(i) une ordonnance supprimant les articles 8, 10 et 16 de la Loi de 1992 sur les partis politiques.

Dans la présente pétition, je suis confronté à la même prière avec une légère variation, à savoir la suppression des art. 8, 9, 10 et 15 de la même loi. En d’autres termes, une action dans laquelle l’affaire en cause est substantiellement en litige dans une autre action entre les mêmes parties est pendante devant un autre tribunal du pays. Il semble également que le procès de Dar es Salaam ait été intenté plus tôt car le dossier de cette requête montre que son procès avait été reporté en attendant l'issue du premier. Dans ces procédures, nous n'avons pas de procédure prescrite, mais nous avons invariablement invoqué et guidé par les dispositions du Code de procédure civile de 1966. L'article 8 du Code prévoit ainsi : - 

8. Aucun tribunal ne pourra procéder au procès d'une poursuite dans laquelle l'affaire en cause est également directement ou substantiellement en cause dans une poursuite précédemment intentée entre les mêmes parties, ou entre des parties en vertu desquelles elles ou l'une d'entre elles prétendent plaider en vertu du même titre lorsque cette action est en cours devant le même tribunal ou tout autre tribunal du Tanganyika ayant compétence pour accorder la réparation réclamée.

Cette disposition est en parimateria avec l'art. 10 du Code indien de procédure civile, 1908. MULLA observe à propos de ce dernier que l'objet est d'empêcher les tribunaux de compétence concurrente de juger simultanément deux poursuites parallèles concernant la même question en cause. Il poursuit en affirmant, citant une autorité obscure de 1919, que l'article édicte simplement une règle de procédure et qu'un décret pris en violation de celle-ci n'est pas nul et ne peut être ignoré dans la procédure d'exécution. Je pense cependant que cela pourrait être vrai lorsque le procès ultérieur est décidé sans que l'on connaisse l'existence du procès précédent.

C'est le caractère pendant de l'action intentée précédemment qui constitue un obstacle au procès de l'action subséquente. Le mot « poursuite » a été considéré comme incluant « appel » : voir Raj Spinning Mills c. AG King Ltd. (1954) A. Punj. 113. La « question en litige » dans la disposition a également été interprétée comme faisant référence à l’ensemble du sujet controversé entre les parties et non seulement à une ou plusieurs des nombreuses questions : voir Hariram c. Hazi Mohamed (1954) Allahabad 141. La même position a été exprimée par la Cour d'appel de l'Afrique de l'Est dans l'affaire Jadva Krson c. Harman Singh Bhogal (1953) 20 EACA 74 lorsqu'elle a examiné l'art. 6 de l'Ordonnance de procédure civile du Kenya, qui est encore une fois en parimateria avec notre art. 8. L’affaire dont je suis saisi est évidemment une nouveauté. Comme l’œil d’un papillon, c’est un composé de plusieurs pétitions réunies en une seule. Lorsque l’on considère l’expression « question en litige », il faut considérer chaque question indépendamment car elles n’ont aucun rapport. Il n’y a pas un seul sujet de controverse entre les parties mais plusieurs. Dans ces circonstances, la deuxième question est séparable puisqu’elle aurait pu, voire aurait pu être jugée dans le cadre d’une action distincte. Dans les circonstances de la présente affaire, la « question en litige » doit être considérée comme une question en litige dans chacune des six questions soulevées et je suis convaincu que la même question est en cause dans l’appel pendant devant la Cour d’appel.

Dans Jinnat Bibi c.Howeah Jute Mills Co. Ltd., AIR 1932 Cal. 751, on a statué que les dispositions de l'art. 10 du Code des Indiens étaient obligatoires et ne laissaient aucun pouvoir discrétionnaire aux tribunaux en ce qui concerne la suspension des poursuites lorsque les circonstances sont telles qu'elles justifient l'application de cet article. Il a en outre été jugé que l'un des critères d'application de la [sic] à un cas particulier est de savoir si, une fois la décision finale prise dans le procès précédent, cette décision aurait force de chose jugée dans le procès ultérieur. Les décisions indiennes ne lient certes pas cette Cour, mais elles méritent le plus grand respect lorsqu'elles exposent une disposition qui était auparavant la nôtre et qui demeure pari materia avec la nôtre.

Le Code indien de procédure civile était en application au Tanganyika jusqu'en 1966 et l'art. 10 de celui-ci est pari materia avec notre art. 8. C'est donc non seulement par courtoisie mais aussi par bon sens que je m'estime en droit de m'appuyer sur ces décisions. Ce faisant, je conclus que les dispositions de l’art. 8 de notre Code sont obligatoires et ne laissent aucune place au pouvoir discrétionnaire dans les circonstances où il est invocable. Elle est invocable en l’espèce. En outre, il ne fait aucun doute que la décision finale rendue dans l’appel en instance aurait force de chose jugée dans la présente requête. La question n’est pas de savoir si je suis en mesure de trancher l’affaire avant la Cour d’appel ; les tribunaux ne sont pas des hippodromes. Le fait est que je suis obligé de m'arrêter net et de laisser le procès précédent se poursuivre jusqu'au bout, car la décision sur la question en cause aurait force de chose jugée sur la même affaire dans le procès dont je suis saisi. Je suspendrai donc la [décision sur] la deuxième question jusqu'à l'issue de l'appel civil n° 24 de 1994.

Dans la troisième question, la Cour est invitée à se prononcer sur la constitutionnalité des art. 5 (2), 13, 25, 37-47 de la Loi sur les journaux, 1976 et par. 12 de la GN n° 166 de 1977. J'ai deux observations à faire à cet égard. Premièrement, il faut comprendre que la constitutionnalité d’une disposition ou d’une loi ne réside pas dans ce qui pourrait se produire dans son application, mais dans ce qu’elle prévoit réellement. Lorsqu'une disposition est raisonnable et valide, la simple possibilité qu'elle soit utilisée de manière abusive dans la pratique ne la rendra pas invalide : Collector of Customs (Madras) c. NS Chetty, AIR 1962 SC 316. Il me semble, avec respect, qu'une grande partie de ce qui a été dit contre les dispositions ci-dessus reflétait généralement ce qui pourrait arriver dans leur application plutôt que ce qu'elles prévoyaient réellement. On m'a généralement fait référence à la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Kukutia ale Pumbum c. Procureur général, appel civil n° 32 de 1992 (non publié), mais je pense que cette affaire couvre une situation différente — la situation dans laquelle une personne a été privée de son droit d'intenter une action en justice à moins qu'il n'y soit autorisé par le défendeur (le Gouvernement). Les dispositions contestées sont toutefois de nature administrative et opérationnelle et leur constitutionnalité ne peut être contestée que si elles n'étaient pas du ressort du pouvoir législatif de les promulguer.

Deuxièmement, et c'est le plus important, nous en sommes malheureusement venus à douter de la position du pétitionnaire dans cette affaire. Comme indiqué précédemment, notre Constitution confère à chaque personne une double capacité : ses capacités personnelles et ses capacités communautaires. Or, à quel titre le pétitionnaire a-t-il fait valoir ces dispositions ? Cela ne peut pas être à titre personnel car il n'y a rien dans les dispositions ou dans l'une d'elles qui contrevienne, contrevient ou est susceptible de contrevenir à son droit de recevoir ou de communiquer des informations. La contravention doit être lue dans les dispositions elles-mêmes. Il s'avère que la plainte du pétitionnaire est en fait fondée sur l'interdiction des journaux « Michapo » et « Cheka » en vertu de l'avis gouvernemental n° 8 de 1993. Cela est inapproprié. L'usage ou l'abus des pouvoirs accordés par l'art. 25, la disposition pertinente à cet égard, n'a rien à voir avec la validité de cette disposition en tant que telle. Ce qui serait pertinent, c'est de savoir si le Parlement n'avait pas le pouvoir d'accorder ces pouvoirs. Quant aux malheurs de « Michapo » et de « Cheka », les portes étaient ouvertes à la possibilité d’un contrôle judiciaire, mais il semble que de meilleures options aient été trouvées. Peut-on alternativement dire que cette question relève d’un contentieux d’intérêt public ? Je ne le pense pas non plus. Comme nous l’avons vu précédemment, les litiges d’intérêt public sont des litiges dans l’intérêt du public. En d’autres termes, le grand public, ou une partie de celui-ci, doit être considéré comme lésé par l’état du droit et désireux d’obtenir réparation. Il pourrait probablement y avoir des dispositions dans la loi sur les journaux que l’on pourrait considérer comme oppressives, déraisonnables et même inconstitutionnelles, mais ce n’est pas la question ; le fait est qu’il n’y a aucune preuve d’agitation publique contre cette loi. Et par « public », je n’entends pas seulement les rédacteurs de journaux mais le public tanzanien en général. Ironiquement, les maux auxquels cette loi peut être associée semblent être éclipsés par la recrudescence sans précédent des journaux privés ces dernières années. Comme indiqué dans l’affaire Sanjeev Coke Manufacturing Co. c. Bhamet Coal Ltd., AIR 1983 SC 239, les tribunaux ne sont pas autorisés à faire des déclarations désincarnées sur des questions graves et nébuleuses de politique constitutionnelle sans que les lignes de bataille soient correctement tracées. Les déclarations judiciaires ne peuvent pas être des conceptions juridiques immaculées. Il est tout à fait juste qu'aucun point de droit important ne soit résolu sans un débat approprié entre les parties convenablement rangées de part et d'autre et sans un croisement des épées. Il n'est pas opportun que la Cour se penche sur des problèmes qui ne se posent pas et exprime son opinion à ce sujet. Dans les locaux, je refuse de me prononcer sur la troisième question.

La quatrième question nous amène aux dispositions de l'ordonnance sur les forces de police et de la loi sur les partis politiques concernant les rassemblements et les cortèges. En vertu de l'art. 40 du premier, un permis est nécessaire pour organiser une assemblée ou une procession dans un lieu public. Le permis est délivré par le commissaire de district. De même, les partis politiques doivent obtenir un permis du commissaire de district pour tenir des réunions publiques conformément aux dispositions de l'art. 11 (1) de la Loi sur les partis politiques. L’article 41 de l’ordonnance habilite un officier de police d’un grade supérieur à celui d’inspecteur ou tout magistrat à arrêter ou empêcher tout rassemblement ou cortège de tenue ou de maintien « qui est de nature imminente à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la sécurité publique ». . . .» L'officier de police ou le magistrat peut donc donner des ordres, notamment des ordres de dispersion de l'attroupement ou du cortège. L'article 42 définit ce qui constitue un rassemblement ou un cortège illégal, à savoir un rassemblement ou un cortège non autorisé par un permis, lorsqu'il est requis, ou organisé en violation de ses conditions ou au mépris des ordres de la police ou du magistrat. L'article 43 est la disposition pénale pour les désobéissances, etc. Ces dispositions, c'est-à-dire les art. 41, 42 et 43, sont importés dans la Loi sur les partis politiques sous forme d'art. 11 (2) de celui-ci. Le pétitionnaire a fait valoir que ces dispositions étaient incompatibles avec la liberté de réunion pacifique et d'expression publique garantie par l'art. 20(1). M. Mussa, en revanche, a estimé qu'ils avaient tous un caractère de surveillance, destinés à assurer la paix et le bon ordre, afin que les droits et libertés puissent être mieux exercés.

Une meilleure approche de ces dispositions consiste à distinguer leurs fonctions. Tout d'abord, il y a l'exigence d'un permis délivré par le commissaire de district et cela relève de l'art. 40 de l'ordonnance et (1) de la loi. Il y a ensuite le contrôle des réunions et des cortèges et cela relève de l'art. 41, l'exercice de ce pouvoir étant confié à la police et à la magistrature. Enfin, nous avons les dispositions de droit criminel des art. 42 et e. Lorsqu’on examine la question de constitutionnalité, il faut garder ces distinctions à l’esprit. : J'établis ces distinctions également parce que toutes les réunions ou cortèges ne nécessitent pas d'autorisation, mais tous font l'objet d'un contrôle policier et judiciaire. En vertu du GN n° 169 de 1958, les processions religieuses ainsi que les rassemblements religieux, sociaux, éducatifs, de divertissement et sportifs ne nécessitent pas d'autorisation ; en vertu du GN n° 98 de 1960, les assemblées convoquées par les autorités locales rurales dans les zones relevant de leur juridiction ne nécessitent pas de permis ; et en vertu de la GN n° 237 de 1962, les assemblées convoquées par les conseils municipaux ou municipaux dans les zones de leur juridiction ne nécessitent pas non plus de permis ; mais tous ces événements attirent la surveillance policière et magistrale. Examinons maintenant la nature des trois divisions par rapport à la Constitution.

L'article 40 (2) prévoit en partie : (2) Toute personne qui souhaite convoquer, rassembler, former ou organiser une assemblée ou une procession dans un lieu public doit d'abord demander un permis en ce sens au commissaire de district. . . . et si le commissaire de district est convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, . . . que l'attroupement ou le cortège n'est pas susceptible de troubler l'ordre public. . . il doit, sous réserve des dispositions du paragraphe (3), délivrer un permis. . .

L'article 11 (1) de la loi sur les partis politiques va dans le même sens, même s'il ne précise pas expressément tout le contenu de la disposition ci-dessus. Ces dispositions peuvent alors être opposées aux dispositions de l'art. 20(1) qui stipule en partie :—

(1) Sous réserve des lois du pays, toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique, d'association et d'expression publique, c'est-à-dire le droit de se réunir librement et pacifiquement. . .

La Constitution est la loi fondamentale ou primordiale du pays et ne peut être annulée par aucune autre loi. Lorsque, comme dans la disposition ci-dessus, la jouissance d’un droit constitutionnel est « soumise aux lois du pays ». l’implication nécessaire est que ces lois doivent être des lois licites. Une loi qui vise à subordonner l'exercice de ces droits à l'autorisation d'une autre personne ne peut être conforme aux dispositions expresses de la Constitution car elle rend cet exercice illusoire. Dans cette catégorie se trouvent l’article 40 de l’ordonnance sur les forces de police et l’article 11 (1) de la loi sur les partis politiques. Les deux dispositions détournent le droit de réunion et de procession pacifique garanti par la Constitution et le placent sous la disposition personnelle du commissaire de district. C'est un droit dont on ne peut jouir sans l'autorisation du commissaire de district. C’est précisément la situation qui s’est produite dans l’affaire Pumbun où le droit de poursuivre le gouvernement ne pouvait pas être exercé avec la permission du gouvernement. La Cour d’appel a été amenée à dire : –

. . . une loi qui vise à limiter ou à déroger au droit fondamental de l'individu pour des raisons d'intérêt public ne sera sauvegardée par l'article 30 (2) de la Constitution que si elle satisfait à deux conditions essentielles : premièrement, une telle loi doit être légale au sens où que ce n'est pas arbitraire. Elle devrait prévoir des garanties adéquates contre les décisions arbitraires et assurer des contrôles efficaces contre les abus de la part des personnes en position d'autorité lorsqu'ils utilisent la loi. Deuxièmement, la limitation imposée par une telle loi ne doit pas être supérieure à ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l'objectif légitime. C'est ce qu'on appelle également le principe de proportionnalité. . . Si la loi. . . ne remplit pas ces deux conditions, une telle loi n'est pas sauvegardée par l'article 30 (2) de la Constitution, est nulle et non avenue. L'article 40 ne répond pas à ces exigences. Il est à l'entière discrétion du commissaire de district de déterminer les circonstances propices à l'organisation d'une assemblée ou d'un cortège ; il n'existe aucune garantie adéquate contre l'exercice arbitraire de ce pouvoir discrétionnaire et il n'existe aucun mécanisme permettant de contester ses décisions, sauf probablement par le biais d'un contrôle judiciaire qui est tortueux et inutile aux fins des assemblées et des cortèges. J'en suis facilement parvenu à la conclusion que l'exigence d'un permis porte atteinte à la liberté de réunion et de procession pacifiques et est donc inconstitutionnelle. Il n’est pas non plus inutile d’ajouter que dans le contexte tanzanien, cette liberté est rendue encore plus illusoire par la dure vérité selon laquelle le pouvoir d’accorder des permis est confié aux cadres du parti au pouvoir.

J'en viens à l'art. 41, j’estime que cette disposition n’a pas pour effet de supprimer le droit de tenir des assemblées ou des processions. Il donne uniquement à la police et à la magistrature le pouvoir d'intervenir pour préserver la paix et l'ordre. La disposition est donc sauvegardée par l'art. 31(2) (b), cela répond aux fonctions normales de l’État consistant à assurer la sécurité et l’ordre publics et est raisonnablement justifiable dans une société démocratique. Comme l'a fait remarquer à juste titre M. Mussa, la jouissance des droits humains fondamentaux présuppose l'existence de l'ordre public. Une disposition comme . 41 est donc un élément nécessaire à la réalisation de ces droits. De plus, cette disposition comporte une garantie contre toute utilisation arbitraire. Il entre en jeu lorsque la tenue ou la poursuite d’un rassemblement ou d’une procession « est de nature imminente à troubler l’ordre public, ou à porter atteinte à la sécurité publique ou au maintien de l’ordre public, ou à être utilisée à des fins illégales », et donc répond à ce que l’on appelle le critère du « danger clair et présent ». Dans l'arrêt Muhammad Nawaz Sharif cité plus haut, le juge Saleem Akhtar dit, aux pp. 832 et 833 :

Chaque restriction (aux droits fondamentaux) doit satisfaire au test du caractère raisonnable et de l’intérêt public supérieur. Des restrictions peuvent être imposées et la liberté . . . peut être réduite à condition qu'elle soit justifiée par le critère du « danger clair et présent » énoncé dans Saia c. New York (1948) 334 US 558, selon lequel le mal substantiel doit être extrêmement grave et le degré d'imminence extrêmement élevé.

L’article 41, à mon avis, est conditionné à un danger clair et présent où le préjudice réel est extrêmement grave et le degré d’imminence extrêmement élevé. Une situation digne de l'application de cette disposition peut être trouvée dans l'affaire guyanaise CR Ramson c. Lloyded [sic] Barker et le procureur général (1983) 9 CLB 1211. Cette affaire est née de la dispersion d'une réunion politique par la police. Le plaignant, un avocat, se tenait près de son automobile garée au bord de la route et discutait avec un collègue des méthodes utilisées par la police pour disperser la foule. Un policier s'est approché, a tenu le plaignant par le bras et lui a demandé ce qu'il faisait là, et on lui a répondu : « ce sont mes affaires ». D'autres policiers sont arrivés et ont encerclé le plaignant, qui a ensuite été frappé à plusieurs reprises dans les côtes avec une matraque par un autre policier qui lui a ordonné de monter dans la voiture. Le plaignant et son collègue sont ensuite montés à contrecœur dans la voiture et sont partis. Le plaignant a ensuite intenté une action alléguant notamment une violation de son droit à la liberté de réunion, d'expression et de circulation. La Cour d'appel a jugé qu'il n'y avait pas eu de violation du droit constitutionnel à la liberté de réunion, d'expression ou de mouvement puisque l'action de la police n'avait pas pour but d'entraver ou de priver [sic] de ces libertés constitutionnelles.

Ces facteurs mis à part, il est également évident que le requérant admet le rôle légitime de la police lors des assemblées et des cortèges même si, d'une manière ou d'une autre, il ne se rend pas compte que ce rôle est spécialement autorisé par l'art. 41. Le paragraphe 19 (h) de la pétition déclare en partie : –

Le tribunal devrait également déclarer qu'un citoyen a le droit de convoquer une réunion pacifique ou un rassemblement public et le droit de faire une manifestation ou une procession pacifique sans autorisation de quiconque, sauf qu'il doit simplement en informer la police avant de le faire. (c'est moi qui souligne).

Je ne voudrais pas croire que par cette prière on entende que la police assiste aux assemblées et aux cortèges pour applaudir les acteurs et croiser les bras face à une rupture imminente de l'ordre public. Je suis convaincu que l'art. 41 est une disposition valide.

Enfin, les art. 42 et 43. Le premier définit un rassemblement ou une procession illégale et le second punit la même chose. Art. 30(2) (a) et (b) de la Constitution autorise le pouvoir législatif à promulguer des lois visant à garantir que les droits et libertés d'autrui ou l'intérêt public ne soient pas lésés par l'utilisation abusive des droits et libertés individuels et à garantir la sécurité publique. et l'ordre public. Ce pouvoir [sic], à mon avis [sic], comprend le pouvoir de prescrire des sanctions en cas d'infractions criminelles. En d’autres termes, les sanctions sont nécessairement concomitantes à l’exercice effectif [sic] des pouvoirs de police et de magistrature en vertu des autres dispositions. Je considère que les dispositions sont également valables.

À ce stade, je vais commencer à montrer l’importance de la distinction que j’ai faite. J'ai jugé que l'exigence d'un permis était inconstitutionnelle, mais pas le rôle policier, judiciaire et pénal. La question cruciale est désormais de savoir si ces aspects peuvent être dissociés. L'indemnité de départ est prévue à l'art. 64(5) qui stipule que « toute autre loi incompatible avec les dispositions de la Constitution . . . sera, dans la mesure de l’incompatibilité, nul. Il est donc établi que lorsque la partie valide est séparable du reste, cette partie sera maintenue pour autant qu'elle soit suffisante pour réaliser l'objet de la Loi. En rendant le jugement du Conseil privé dans l'affaire AG of Alberta c. AG of Canada (1946) AC 503 6, le vicomte Simon a déclaré :

La vraie question est de savoir si ce qui reste est si inextricablement lié à la partie déclarée invalide que ce qui reste ne peut pas survivre indépendamment ou, comme on l'a parfois dit, si, après un examen équitable de l'ensemble de la question, on peut supposer que le législateur ont adopté ce qui survit sans adopter du tout la partie qui est ultra vires.

Je n'ai aucun doute sur le fait que l'aspect permis peut être effacé et expulsé de la loi sans préjuger du reste. Cela est illustré par le fait que les aspects de surveillance fonctionnent déjà de manière indépendante lorsqu'une autorisation n'est pas requise. Il est donc évident que le législateur aurait pu adopter les aspects relatifs à la surveillance sans adopter l'aspect relatif aux permis. Ayant conclu, et je le répète, que l'exigence d'un permis est inconstitutionnelle et nulle, j'ordonne que les dispositions de l'art. 40 de l'ordonnance sur les forces de police et l'art. 11(1)(a) de la Loi sur les partis politiques, ainsi que toutes les dispositions qui s'y rapportent et qui y sont liées, doivent désormais être lues comme si toute référence à un permis avait été supprimée. Il s'ensuit qu'à partir de ce moment [sic], il sera licite pour toute personne ou organisme de convoquer, de rassembler, de former ou d'organiser et de prendre la parole dans un lieu public sans avoir à obtenir au préalable un permis du commissaire de district. Jusqu'à ce que la Législature prenne les dispositions appropriées à cet effet, il suffira qu'un avis d'un tel rassemblement ou cortège soit déposé auprès de la police, et qu'une copie en soit remise au commissaire de district pour son information.

En prenant cette décision, je suis certainement conscient de la décision qui m'a été citée dans C.Mtikila & Ors. VR Appel pénal NO. 90 de 1992 (Registre Dodoma – Non rapporté). Dans cette affaire, le présent pétitionnaire et d’autres ont été inculpés devant le tribunal de district de Dodoma de trois chefs d’accusation, dont le premier concernait « le refus de renoncer à convoquer une réunion ou une assemblée après avoir été avertis de ne pas le faire par des policiers, contrairement aux articles 41 et 41 ». 42 de l'ordonnance sur les forces de police, Cap. 322. » Ils ont été reconnus coupables et condamnés à une amende de 500 euros chacun. Ils ont interjeté appel devant notre Cour et on a soutenu, entre autres, que l'art. 41 était inconstitutionnel. Mwalusanya. J. a accepté et a déclaré : « J’interprète l’article 41 de l’ordonnance sur les forces de police comme étant nul. À partir de maintenant, cette section est supprimée du Livre des Statuts. J'ai cru comprendre qu'un appel a été interjeté contre cette décision.

Le fait qu’un appel soit pendant me restreint naturellement dans mes commentaires sur cette décision, mais je ne peux m’empêcher de montrer, même brièvement, pourquoi je trouve cette décision difficile à suivre. Le savant juge n’a pas simplement conclu que l’art. 41 est inconstitutionnel; il est allé plus loin et a considéré que tout le procès était nul. Il dit entre les pp. 23 et 25 de son jugement:

Dans mon jugement, j'estime que le refus du juge de première instance de permettre aux appelants d'avoir accès aux documents dont ils avaient besoin pour leur défense était un vice fondamental qui ne peut être réparé… L'erreur est si fondamentale qu'elle a rendu nul tout le procès.

C’est effectivement significatif. Il est de pratique établie que lorsqu'une question peut être réglée sans recourir à la Constitution, celle-ci ne devrait pas être impliquée du tout. La Cour ne se prononcera sur la constitutionnalité d'une loi que lorsque cela est nécessaire pour statuer sur l'affaire : Wahid Munwar Khan c. State AIR 1956 Hyd. 22. Dans cette affaire, un passage du Treatise on Constitutional Limitations de Coday était également cité dans ces termes :

Dans tous les cas où une question constitutionnelle est soulevée, même si elle peut être légitimement présentée par le dossier, si le dossier présente un autre motif clair, le tribunal peut fonder son jugement sur ce seul motif, si les autres questions sont sans importance au regard du point de vue adopté par le tribunal.

La Cour suprême du Zimbabwe a exprimé le même point de vue dans l'affaire Ministre de l'Intérieur c. Bickle & Ors (1985) LRC (Const) 755, où le juge en chef Geoges a déclaré (à la p. 750) :

Les tribunaux n’examineront normalement pas une question constitutionnelle à moins que l’existence d’un recours n’en dépende ; si un recours est disponible pour un demandeur en vertu d'une autre disposition législative ou sur toute autre base, qu'elle soit juridique ou factuelle, un tribunal refusera généralement de déterminer s'il y a eu, en outre, une violation de la Déclaration des droits.

Et ici, chez nous, la Cour d'appel a dit ceci dans l'affaire Procureur général c. WK Butambala, appel pénal NO. 37 de 1991 (non publié) :

Il va sans dire que notre Constitution est un document sérieux et solennel. Nous pensons que l’invoquer et abroger des lois ou des parties de celles-ci devraient être réservés à des occasions appropriées et vraiment sérieuses.

Le tribunal poursuit :

… il n'est pas souhaitable d'en arriver à une situation dans laquelle nous avons des « tribunaux d'ambulance » qui sillonnent les situations dans lesquelles nous pouvons invalider les lois.

Il est évident que l'appel en cause aurait pu être statué pour le motif que le procès était nul sans examiner la constitutionnalité de l'art. 41. Il est en effet curieux qu'un procès déclaré nul puisse encore servir de fondement à l'annulation de l'art. 41. Pour ces motifs et d'autres, je n'ai pas pu bénéficier de la décision de mon éminent confrère.

La cinquième question nous ramène aux amendements à la Constitution et ailleurs qui rendent obligatoire l'adhésion et le parrainage d'un parti politique pour qu'une personne puisse se présenter aux élections présidentielles, parlementaires ou locales. Je considère que les amendements étaient constitutionnellement valides mais j'ai réservé ma position sur leur implication pratique jusqu'à ce stade. Il est essentiel, pour les besoins du présent exercice et à titre de référence, de mettre côte à côte les dispositions de l'art. 21 (1), art. 20 (4) et l'art. 39 (c), ce dernier étant représentatif des amendements alliés ailleurs. Art. 21 (1) se lit comme suit :

(1) Tout citoyen de la République-Unie a le droit de participer au gouvernement du pays, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant librement choisi, conformément à la procédure prévue par ou en vertu de la loi.

Art. 20 (4) déclare (ma traduction) :

(4) Sans préjudice des lois pertinentes, nul ne peut être contraint d'appartenir à un parti ou à une organisation, ni refuser l'enregistrement d'un parti politique en raison uniquement de son idéologie ou de sa philosophie.

Et l'Art. 39(c) déclare (ma traduction) :

39. Nul ne peut être élu au poste de Président de la République-Unie à moins :
(un) …; b) … ;
(c) est membre et parrainé par un parti politique.

Tel qu'on l'entend généralement, le droit du citoyen à participer au gouvernement de son pays implique trois considérations : le droit de vote, c'est-à-dire le droit d'élire ses représentants ; le droit de représenter, c'est-à-dire le droit d'être élu aux organes législatifs ; et le droit d'être élu à une fonction politique. Ces trois droits sont, à mon avis, incarnés dans les dispositions de l’art. 21(1), sous réserve, bien entendu, des conditions que l'opportunité peut imposer pour l'exercice de ces droits, par exemple l'alphabétisation et l'âge. Mais tout en acceptant la pertinence de telles qualifications, il faut tout d’abord admettre que le concept de droits humains fondamentaux a un aspect utilitaire : à qui ces droits doivent-ils être utiles ? Harold Laski (A Grammar of Politics, 1967 : 92) répond ainsi :

Il n'y a qu'une seule réponse possible. Dans tout État, les exigences de chaque citoyen visant à s'épanouir au mieux doivent être considérées comme d'égale valeur ; et l'utilité d'un droit est donc sa valeur pour tous les membres de l'État. Le droit, par exemple, à la liberté d’expression ne s’applique pas aux personnes en position d’autorité, ni aux membres d’une église ou d’une classe sociale. La liberté d’expression est un droit soit applicable également à tous les citoyens sans distinction, soit inapplicable du tout.

Ces remarques ne s’appliquent pas plus à la philosophie politique qu’à la jurisprudence relative aux droits de l’homme. Le problème devient plus évident si l'on substitue à la liberté d'expression le droit de participer au gouvernement de son pays. La proposition serait alors que le droit de participer au gouvernement de son pays n'est pas réservé aux personnes en position d'autorité, ni aux membres d'une classe ou d'un groupe spécial, mais qu'il s'agit d'un droit soit également applicable à tous les citoyens sans distinction, soit pas applicable du tout. Ce facteur utilitaire est largement exprimé dans l’art. 21 (1) car il parle de « tout citoyen » ayant le droit de participer au gouvernement de son pays. Il aurait facilement pu dire « Chaque membre d’un parti politique… », mais ce n’est pas le cas, et cela ne peut pas être sans raison. On se rappellera en effet que cette disposition existait sous sa forme actuelle depuis l'époque du parti unique. À cette époque, toute activité politique devait être menée sous les auspices et le contrôle du Chama Cha Mapinduzi, et on aurait pu affirmer que cela ne laissait aucune place aux candidats indépendants. C'est certainement cette notion qui était à la base de la thèse de M. Mussa selon laquelle les amendements ne supprimaient pas le droit des candidats indépendants, alors qu'un tel droit n'avait jamais existé auparavant. L'argument est sans doute séduisant, mais, au moins depuis le 1er juillet 1992, l'art. 21 (1) doit être lu dans un contexte multipartite et non partisan. C'est ce que je peux déduire de l'Art. 20 (4) – auparavant art. 20(2) – qui a été délibérément reformulé pour tenir compte des deux situations. Il est illogique qu'une loi prévoie que nul ne soit obligé d'appartenir à un parti politique et, du même coup, qu'elle prévoie que nul ne peut se présenter aux élections sauf par l'intermédiaire d'un parti politique. Si le législateur avait eu l'intention d'exclure les citoyens non partisans de la participation au gouvernement de leur pays, il aurait facilement pu le faire en vertu de la même loi sur le huitième amendement constitutionnel en supprimant la généralité de l'art. 21 (1).

La situation, telle que je la vois, est maintenant la suivante : en vertu de l'art. 21 (1) tout citoyen a le droit de participer au gouvernement du pays, et en vertu des dispositions de l'art. 20 (4) il n'est pas nécessaire que ce citoyen soit membre d'un parti politique ; mais en vertu de l'art. 39(c) et d'autres à cet effet, aucun citoyen ne peut se présenter aux élections à moins d'être membre et parrainé par un parti politique. C'est intrigant, je suis conscient que l'exercice du droit prévu à l'art. 21(1) doit se faire « conformément à la procédure prévue par ou en vertu de la loi », mais je pense que même si la participation par l'intermédiaire d'un parti politique est une procédure, l'exercice du droit de participation par l'intermédiaire d'un parti politique uniquement n'est pas une procédure. mais une question de fond. Le message est le suivant : soit vous appartenez à un parti politique, soit vous n'avez pas le droit d'y participer. Il y a aussi la dimension des élections libres évoquée dans l’art. 21(). Un citoyen peut participer au gouvernement « soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ». Il est contraire à toute idée d’élections libres que les citoyens sans parti soient obligés de voter pour les candidats d’un parti. Au milieu de ce dilemme inhabituel, j’ai dû me tourner vers les canons d’interprétation des lois et de la Constitution.

Lorsque les rédacteurs de la Constitution ont déclaré les droits fondamentaux dans la partie III du chapitre premier de celle-ci, ils ne l'ont pas fait en vain, c'était sans doute avec l'intention que ces droits puissent être exercés. Il est donc établi que les dispositions de la Constitution doivent toujours recevoir une interprétation généreuse et ciblée. Dans AG of Gambia v. Jobe(1985) LRC (Const) 556, 565, Lord Diplock a déclaré :

Une constitution, et en particulier la partie qui protège et consacre les droits et libertés fondamentaux auxquels toutes les personnes dans l'État doivent avoir droit, doit être interprétée de manière généreuse et ciblée.

Cela fait écho à ce qui a été dit plus tôt dans British Coal Corporation c. The King (1935) AC 500, 518, à savoir que dans l'interprétation d'un statut constituant [sic] ou organique, l'interprétation la plus bénéfique à l'amplitude la plus large possible de son pouvoir doit être adoptée. . Et peu de temps après, dans James c. Commonwealth of Australia (1935) AC 578, 614, Lord Wright, MR, a déclaré :

Il est vrai qu’une Constitution ne doit pas être interprétée dans un sens étroit et pédant. Les mots utilisés sont nécessairement généraux, et leur pleine portée et leur véritable sens peuvent souvent être appréciés lorsqu'on les considère, au fil des années, par rapport aux vicissitudes du jeûne qui surgissent de temps en temps. Ce n’est pas que le sens du mot change, mais les circonstances changeantes illustrent et éclairent toute la portée du sens.

Cette approche vise principalement à résoudre les difficultés qui peuvent être inhérentes à une seule disposition. La stratégie, selon ces autorités, consiste à aborder cette disposition de manière généreuse et libérale, en particulier lorsqu'elle consacre un droit fondamental. L’affaire dont je suis saisi nous amène un peu plus loin. Que se passe-t-il lorsqu’une disposition de la Constitution édictant un droit fondamental semble être en conflit avec une autre disposition de la Constitution ? Dans ce cas, il faut faire appel au principe de l'harmonisation. Le principe veut que la Constitution dans son ensemble doit être lue comme un tout intégré, et qu'aucune disposition particulière ne détruit [sic] l'autre mais chacune soutient l'autre ; voir Muhammad Nawaz Sharif (ci-dessus), p. 601. Si l’exercice d’équilibre réussit, la Cour est invitée à donner effet à toutes les dispositions en conflit. Dans le cas contraire, le tribunal est sommé de favoriser la réalisation des droits fondamentaux et peut, à cette fin, ignorer même les termes clairs d'une disposition si leur application entraîne une grave injustice. CHITALIE, p. 716, rend la position ainsi :

… il ne faut pas oublier que l'exercice de tout droit fondamental peut être exclu par tout autre article de la Constitution ou peut faire l'objet d'une exception prévue dans un autre article. Dans de tels cas, il est du devoir de la Cour d'interpréter les différents articles de la Constitution de manière à les harmoniser et d'essayer de donner effet à tous les articles dans la mesure du possible, l'un des articles en conflit devra céder le pas à L'autre.

Ces propositions ne sont en aucun cas nouvelles mais sont bien connues dans les juridictions de common law. Elles reposent avant tout sur la prise de conscience que ce sont les droits fondamentaux qui sont fondamentaux et non les restrictions. Dans le cas de Sture sv Crowninshield (1819) 4 Law Ed. 529 et 550, le juge en chef Marshall de la Cour suprême des États-Unis a déclaré :

Bien que l'esprit d'un instrument, notamment d'une Constitution, doive être respecté tout autant que sa lettre, l'esprit doit néanmoins être recueilli principalement dans ses paroles. Il serait extrêmement dangereux de déduire de circonstances extrinsiz (sic) qu'un cas pour lequel les termes d'un instrument le prévoient expressément doit [son fonctionnement ?]. Lorsque les mots entrent en conflit les uns avec les autres, lorsque les différentes clauses d'un instrument s'influencent les unes les autres et seraient incohérentes à moins que les mots naturels et courants ne soient modifiés, une interprétation devient nécessaire et un écart par rapport au sens évident des mots est justifiable. Mais si en tout cas le sens ordinaire d'une disposition, qui n'est contredite par aucune autre disposition du même instrument, doit être ignoré, parce que nous pensons que les auteurs de cet instrument ne pouvaient pas intentionner ce qu'ils disent, il doit s'agir d'une disposition dans laquelle l'absurdité et l'injustice d'appliquer la disposition à ce cas serait si monstrueuse que toute l'humanité s'unirait, sans hésitation, pour rejeter l'application.

Dans la présente pétition, les facteurs suivants ressortent. Premièrement, l'art. 39(c) et les amendements connexes constituent des restrictions à l’exercice d’un droit fondamental et ne sont pas fondamentaux en soi. Ce sont les droits fondamentaux, mais non leurs restrictions, que cette Cour est tenue de protéger jalousement. Deuxièmement, l'économie de notre Constitution envisage le plein exercice [sic] des droits fondamentaux qui y sont consacrés, sauf dans la mesure où ils peuvent être limités en termes de dispositions de l'art. 30(2) et art. 31(1). Bien que les amendements satisfassent au test de validité en vertu de la définition très large du terme « altération » à l'art. 98(2), ce n’est que de manière ténue qu’ils relèvent du champ d’application de l’art. 30(2). Troisièmement, l’application littérale des amendements pourrait conduire à des résultats monstrueux et préjudiciables à l’échelle nationale. On estime qu'il y a entre trois et quatre millions de personnes dans ce pays qui adhèrent à un parti politique, laissant bien au-delà de vingt millions une décision libre du gouvernement de leur pays qui est injuste, monstrueuse et potentiellement calamiteuse. Quatrièmement, il faut dire que parler de « partis » à ce stade de l’histoire du pays ne peut être sérieux. Hormis Chama cha Mapuaduzi dont la présence est omniprésente, les autres existent plus de nom que de pratique. Les amendements risquent donc d'être abusés pour confier le droit de gouverner aux mains des membres d'une classe et rendre illusoire l'émergence d'une société véritablement démocratique. Je ne veux pas croire que telle était l’intention du législateur. Enfin, l'art. 21(1) peut en fait fonctionner parallèlement à l’art. 39 et amendements connexes, sans les propriétés d'exclusion de ces derniers, il n'y a rien d'étrange à avoir des candidats de parti et indépendants à toute élection.

Pour tout ce que j'ai tenté d'énoncer et nonobstant les éléments d'exclusion à cet effet dans les articles 39, 67 et 77 de la Constitution ainsi que l'art. 39 de la Loi sur les autorités locales (élections) de 1979, je déclare et ordonne qu'il sera légal aux candidats indépendants, ainsi qu'aux candidats parrainés par des partis politiques, de se présenter aux élections présidentielles, parlementaires et aux conseils locaux. Cela ne s'appliquera pas aux élections municipales prévues dans quelques jours.

Nous arrivons maintenant au sixième et dernier problème. Une déclaration est demandée selon laquelle il est inconstitutionnel que le président nomme des Zanzibaris à la tête de ministères et départements non syndiqués sur le continent. Cette question rappelle un peu l'histoire du syndicat. Lorsque le Tanganyika et Zanzibar se sont unis en 1964, la Constitution du premier a été adoptée comme Constitution provisoire de la République-Unie, modifiée de manière à prévoir un gouvernement séparé pour Zanzibar dans les domaines autres que ceux réservés au gouvernement d'union. Au même moment, le gouvernement du Tanganyika était aboli. Le syndicat a fonctionné sous des constitutions provisoires jusqu'à la promulgation de la Constitution de 1977.

L'article 4(3) de la Constitution prévoit la division des fonctions gouvernementales sur la base des questions syndicales et non syndicales. L'autorité concernant toutes les questions syndicales ainsi que les questions non syndicales dans et pour le continent est conférée au gouvernement de l'Union par l'art. 34(1). De même, tout le pouvoir exécutif de la République-Unie en ce qui concerne les questions syndicales et les questions non syndicales dans et pour le continent est confié au Président. Il peut exercer ce pouvoir soit directement, soit par délégation à d'autres personnes exerçant des fonctions dans les services de la République Unie. Le Président est également habilité à constituer et à supprimer des fonctions et, conformément aux dispositions de l'art. 36(2), il a le pouvoir de nommer des personnes à des postes dans les services publics de la République-Unie, sous réserve des autres dispositions de la Constitution. Dans l'exercice de ses fonctions, le Président jouit d'un pouvoir discrétionnaire illimité, outre le respect des dispositions de la Constitution et de la loi. L’article 55(1) habilite en outre le Président à nommer des ministres qui « seront responsables des fonctions que le Président peut de temps à autre… ». . . établir." Il a également le pouvoir de nommer des commissaires régionaux pour les régions du continent. Zanzibar conserve son autonomie interne pour les questions non syndicales qui relèvent de ce côté.

M. Mbezi a fait valoir que la structure de la Constitution laisse entrevoir un double rôle pour le gouvernement de l'Union, à savoir en tant que gouvernement responsable des affaires syndicales et en tant que gouvernement responsable des questions non syndicales pour et dans le continent. Il a également soutenu que la séparation entre les affaires syndicales et les affaires non syndicales n'aurait pas pu se faire sans but. Selon lui, les affaires non syndicales sur le continent doivent être gérées par les continentaux, et le fait qu'ils soient constitutionnellement placés sous la tutelle du gouvernement de l'Union ne signifie pas leur syndicalisation. Il estime donc que la nomination des Zanzibariens pour gérer ces affaires offense l'art. 4(3). M. Mussa a répondu en soulignant qu'aucune disposition de la Constitution n'obligeait le Président à ne pas nommer des Zanzibaris à de tels postes et que ce serait en fait discriminatoire s'il ne le faisait pas. Selon lui, l'exercice du pouvoir de nomination était une question de politique mais non fondée sur la Constitution.

La question des Zanzibaris dans les ministères du « continent » suscite actuellement un intérêt considérable et semble découler davantage de la situation politique polarisée qui a abouti à l’idée malheureuse d’un gouvernement parlementaire au Tanganyika. Mais les sentiments mis à part, on souhaiterait certainement connaître la position juridique [sic] des questions non syndicales dans et pour le continent. Le facteur de dualisme affirmé par M. Mbezi a été reconnu et articulé par la Cour d'appel dans l'affaire Haji c. Nungu & Aner. (1907) LRC (Const) 224, où le juge en chef Nyalali a ajouté (à la p. 231) que dans la structure fondamentale de la Constitution, il y a «des questions qui concernent exclusivement la région qui, avant l'Union, constituait ce qui était alors connu sous le nom de Tanganyika…» Il a ajouté que « ces questions, dans le cadre de la Constitution, relèvent du domaine exclusif du gouvernement de la République-Unie. Le gouvernement révolutionnaire de Zanzibar n’a aucune compétence sur ces questions. Bien entendu, cette affaire concernait une question différente – la compétence de la Haute Cour de la République Unie en matière de pétitions électorales – mais, même avec cette référence au domaine exclusif du Gouvernement de la République Unie sur les questions du Tanganyika, je ne peux pas lire un suggestion de syndicalisation de ces matières. Il existe différents types de constitutions classées comme fédérales et la nôtre pourrait porter cette appellation en l'absence d'un type standard ou idéal de constitution fédérale. Il n'est pas rare que de telles constitutions énumèrent les domaines réservés aux États fédérés, laissant le reste au gouvernement fédéral ou central. Les fondateurs de notre Union auraient facilement pu le faire. Ils auraient pu énumérer les domaines dans lesquels le gouvernement de Zanzibar exercerait le pouvoir et laisser le reste au gouvernement de l'Union. Dans ce cas, la philosophie du changu, changu ; chako, chetu (le mien est à moi ; le vôtre est à nous) aurait eu un sens considérable, car tout ce qui se passait sur et pour le continent aurait alors été une affaire syndicale. Mais cela a été soigneusement évité. Au lieu de cela, la Constitution énumère uniquement les questions syndicales et déclare expressément que le reste n'est pas syndical ; et il en est ainsi, selon l'art. 4(3), « Aux fins d’une gestion plus efficace des affaires publiques… et d’une division efficace des fonctions liées à ces affaires… » Je pense, avec respect, qu’il y a lieu d’insister sur l’importance de la division. Il me vient à l’esprit que le fait qu’il n’y ait pas de syndicats sur le continent pourrait avoir pour effet de brouiller cette division.

Cela dit, il est toutefois difficile de tirer la conclusion d’inconstitutionnalité, que la Cour était appelée à tirer, à l’égard de ces nominations. Les dispositions auxquelles j'ai fait référence, notamment l'art. 36(2) et art. 55(1), ne limitent pas le président dans le choix des officiers ou des ministres ni dans leur disposition. Le plus loin que l'on puisse aller est de recourir aux mots « sous réserve des autres dispositions de la présente Constitution » figurant à l'art. 36 (2), ce qui conduirait à la division des questions syndicales et non syndicales dans l'art. 4(3). On peut alors suggérer que pour maintenir l’efficacité de la division, il y a une invitation implicite à garder les affaires du Tanganyika au Tanganyikan. Toutefois, une violation de la Constitution est une affaire si grave et sérieuse qu'on ne peut y parvenir par de simples déductions, si attrayantes soient-elles, et je crains que cela nécessite une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Je ne me suis donc pas trouvé en mesure de faire la déclaration demandée et je m'abstiens de le faire.